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Intégralité des deux reportages et infos pratiques sur le Népal de Jacques Mahieu et Brigitte Van Bunnen
1. Randonnée au pays des 8000
et des ponts suspendus
En avril 1995, j’avais effectué une première randonnée de dix jours au Népal, plus précisément dans le Langtang et l’Helambu, via les lacs sacrés de Gosainkund. Cette initiation à la haute montagne (j’y avais passé le Laurebina La, un col à 4609 mètres) ne m’avait laissé que de bons souvenirs. Depuis lors, mais beaucoup plus récemment, j’ai parcouru d’autres itinéraires au Pérou (cordillère Huayhuash), dans l’Atlas marocain (Toubkal et M’Goun), en Afrique subsaharienne, en différents pays européens, dans les Alpes et les Pyrénées, et bien entendu en Belgique.
Afin de fêter dignement ma retraite, j’envisageais depuis un moment de retourner dans l’Himalaya, pour un séjour plus long et en période automnale. Après de nombreux échanges avec le correspondant francophone de l’agence Basecamptrek* dont j’avais eu de très bons échos, j’ai opté pour la combinaison de deux « treks », le grand tour du Manaslu et les vallées de Nar Phu (ces dernières, très récemment ouvertes aux randonneurs), soit un total de vingt-quatre jours de marche d’intensité variable avec logement chez l’habitant ou en lodges.
Jean-Marc, un ami de longue date, inexpérimenté à la montagne jusque-là mais bon sportif, étant motivé à m’accompagner, nous sommes donc deux, en ce 18 octobre 2014 (au Népal, nous sommes en 2071), à nous envoler pour Kathmandu, où nous sommes accueillis par Krishna qui sera notre guide attentionné durant le trek. Après le briefing d’usage et une journée culturelle dans la capitale, nous rejoignons Gorkha, chef-lieu du district proche du Manaslu, terme d’un éprouvant trajet en jeep durant lequel nous nous sommes régulièrement demandé dans quel état nous arriverions à destination, tant le comportement au volant des Népalais est intrépide. À Gorkha, Maïla, notre porteur, est à pied d’œuvre pour que notre randonnée puisse être aussi légère que possible.
Trois jours avant notre envol, une catastrophe humaine avait défrayé les médias. À cause d’un cyclone centré sur l’Inde et le Pakistan, une tempête de neige s’était abattue principalement sur la région des Annapurnas et du Manaslu, laissant des dizaines de morts et de disparus parmi les nombreux trekkeurs et leurs accompagnateurs népalais affluant à cette époque. Cet événement semait la panique auprès de nos proches, qu’il fallut rassurer, et hypothéquait la concrétisation du programme prévu, comme il en sera question plus loin.
Après une mise en jambes de trois heures, nous passons une première nuit chez l’habitant à Shikar (altitude : 500 m), petit village desservi par une piste sur laquelle des bus impressionnants, de marque Tata, font la navette entre la basse et la moyenne vallée de la Dhorandi Khola (khola = torrent). Un premier pont suspendu est au menu du jour, nous en franchirons plusieurs dizaines durant notre périple. Les premiers jours de marche nous permettent une adaptation progressive à l’altitude. Nous déambulons, en pleine période de récolte, dans des paysages de terrasses où sont cultivés riz, maïs, mil, sarrasin, soja, pomme de terre... bref, tout ce qui permettra de nourrir la population durant les mois à venir. Nous faisons étape à Baluwa (terminus des bus et autres véhicules à moteur), Barpak et Laprak (village Gurung) après avoir franchi un col (3 000 m) à Pushu Danda avant de redescendre dans une autre vallée tout en nous émerveillant déjà à la vue de très hauts sommets enneigés : le Lamjung Himal (6 983 m)(himal = massif montagneux), le Bouddha Himal (6 692 m) et le Ganesh Himal (7 422 m), à cheval sur le Népal et le Tibet. Nous profitons en cette période de quelques jours de fête (Laksmi-Puja/Tihar) qui mobilisent la population locale, notamment la fête des sœurs à leurs frères (Bhai-Tika), avec animation musicale, danses et jeux de société en pleine rue.
Les journées de marche proposent jusque-là cinq à six heures d’effort, avec des dénivelés positifs et négatifs cumulés de 1 000 à 2 000 mètres. Les seules rencontres humaines sont le fait de villageois et d’autochtones qui « déambulent » dans la région en transportant sur le dos des charges parfois impressionnantes. Nous bénéficions de deux succulents repas complets par jour, principalement à base de dalbhat (riz et lentilles) ou de pâtes agrémentées de légumes et de sauce au soja. Le thé et l’eau « micropurée » sont nos principales boissons.
Une fois avalée cette période de rodage, nous attaquons le circuit du tour du Manaslu (8 163 m) proprement dit à partir de Khorlabeshi. Nous faisons étape à Tatopani (pani = eau, tato = chaude) où nous bénéficions des bienfaits d’une source d’eau chaude avant de déguster, nuitamment, la seule averse de pluie dont nous serons gratifiés durant notre périple ensoleillé.
La progression dans la vallée de Budhi Gandaki, aux gorges profondes, nous amène dans le « Manaslu Conservation Area », via Philim, Bihi Phedi, Namrung et Lhö Gaon (gaon = village), sur des sentiers nettement plus fréquentés par des randonneurs de toutes nationalités. Les journées sont un peu plus longues mais dispensées de dénivelés importants (300 à 600 mètres). Entretemps, nous avons pris congé des trekkeurs dont l’objectif est la vallée de Tsum.
Le trek du Manaslu connaissant un succès croissant, la construction de lodges bat son plein. Ceux-ci sont conçus à base de matériaux trouvés dans la région immédiate et façonnés manuellement : base en pierres, corps de logis le plus souvent en bois, toit en tôles ondulées. Nous côtoyons non seulement les randonneurs qui évoluent dans la même direction que nous mais aussi les très nombreux trekkeurs qui font demi-tour, le Larkya La (la = col) étant infranchissable à cause de la tempête de neige de la mi-octobre. Krishna nous met au parfum d’un plan B (les Annapurnas au départ de Pokhara) pour le cas où nous serions confrontés au même renoncement. Nous apprenons que celui-ci est souvent dicté par les guides et porteurs népalais, nombreux étant ceux, parmi ces derniers, qui ne sont pas habitués à la haute montagne et à la neige.
Le cheminement est souvent agrémenté par le passage le long de murs de prières (ornés de pierres gravées, de moulins et de drapeaux de prières) qu’il sied de contourner par la gauche, de monastères, de chortens, de portails d’entrée dans les villages. À mesure que nous prenons de l’altitude, nous évoluons aussi dans une région qui a vu s’installer de très nombreux réfugiés tibétains ayant fui l’invasion et les exactions chinoises datant de 1959 (le Tibet est à moins de deux jours de marche). L’architecture de ces villages évolue également avec l’altitude. Souvent, les maisons sont occupées par trois générations, les enfants étant très nombreux à nos yeux. La moindre parcelle de terre est cultivée, de nombreuses variétés de légumes feront le bonheur des villageois. Les animaux (vaches, moutons, poules) vivent en bon « voisinage » avec leurs propriétaires.
Au lever du soleil à Lhö Gaon (3180), nous jouissons d’un premier point de vue fabuleux sur le sommet du Manaslu. Le programme de la journée nous réserve, avant de rejoindre la prochaine étape à Sama Gaon, un aller-retour hors itinéraire vers le monastère de Pung Gyen (4 100 m), construit au pied du géant dont la paroi de 4 000 mètres de glace est vraiment impressionnante. Ses sentinelles ne le sont pas moins : Ngadi Chuli (7 871 m), Himal Chuli (7 893 m), Mimi Pokhari (4 208 m), Phunghi (6 379 m). Cette excursion fut un des moments les plus exceptionnels de notre séjour.
À l’étape du soir, nous apprenons que quelques randonneurs ont franchi le col vers lequel se porte toute notre attention. Alors que la plupart des groupes continuent à rebrousser chemin, l’espoir de réaliser le programme initial renaît et nous booste au point que, le lendemain, nous avalons deux étapes dans la même journée pour rejoindre le camp de base de Dharamsala (4 460 m) dont Krishna nous fait un portrait idyllique : logement très rustique, températures glaciales ! Finalement, les conditions ne sont pas inhumaines et nous nous préparons en toute sérénité à la rude journée du lendemain.
Lever à trois heures, petit-déjeuner classique (pain tibétain ou crêpe et thé), départ à la frontale dans la neige et la glace : nous devons mériter notre bonheur ! Vers cinq heures, le soleil commence à pointer et nous réchauffe juste ce qu’il faut avant de jouir de l’instant magique où nous atteignons le col (5 160 m). Krishna présente à Jean-Marc et à moi-même un drapeau de prières qu’il nous invite à accrocher à la centaine de drapeaux qui flottent déjà au vent. Ce geste ajoute une touche symbolique à la performance physique et au spectacle grandiose qui se déploie devant nos yeux. Le plus difficile nous attend dans la descente très raide, enneigée et même verglacée (nous apprenons que des porteurs se laissent glisser dans la pente en enfourchant leur paquetage !) mais la prudence de nos accompagnateurs nous permettra de vaincre le danger sans bobo et de rejoindre Bimthang (3 800 m) pour un repos bien mérité après cette journée harassante.
Nous poursuivons notre périple par la vallée de Dudh Khola, en pays habité par des Tibétains Managis, à travers une très belle forêt. En deux jours, nous atteignons Dharapani (dhara = fontaine, pani = eau) (1 860 m) au confluent de plusieurs vallée, dont celle de Marsyanadi Khola depuis laquelle affluent chaque jour, en cette période de haute saison, des centaines de randonneurs sur le trek des Annapurnas.
Heureusement, nous ne les côtoierons qu’un jour, jusqu’à Koto (2 600 m), tout en dégustant encore et toujours la vue sur le sommet du Manaslu que nous aurons apprécié sous toutes ses faces.
À Koto, nous retrouvons dans notre champ de vision le majestueux Lamjung Himal (6 983 m) flanqué du sommet de l’Annapurna II (7 937 m). Nous quittons allègrement cette « autoroute » pour entamer la montée dans les gorges parfois impressionnantes de Nar-Phu Khola, tantôt rive droite, tantôt rive gauche (des p’tits ponts, des p’tits ponts, toujours des p’tits ponts, air connu), dans un paysage forestier des plus accueillant constitué d’essence de pins, de bouleaux... pour atteindre le village de Meta (ou Methang, niché à 3 560 m), remarquable par ses constructions en pierre sèche et peuplé par des Tibétains, particulièrement des guerriers Khampas, originaires du Kham au Tibet oriental. Les deux sommets précités, et beaucoup d’autres, s’offrent encore à nos yeux, pour notre plus grand plaisir.
La journée du lendemain nous amenant à Phu (ou Phugaon, 4 080 m) sera consistante (près de neuf heures effectives). La végétation se fait plus rare, elle est parsemée de fleurs sauvages, de genévriers et de bouleaux dont l’écorce servait autrefois de support papier pour les textes religieux. Les troupeaux de yaks se font très denses sur les pentes. En chemin, nous rencontrons une équipe d’hommes à la recherche des victimes, une dizaine de jours plus tôt, d’une terrible avalanche de neige et de roches, au fond d’un couloir vertigineux creusé par le Phu Khola que nous remontons par un sentier sillonnant tantôt en balcon, tantôt au plus près du torrent. De nombreux chamois observent notre progression. Par contre, le léopard des neiges reste invisible à notre regard. Autour de nous, des glaciers à profusion : Pisang Peak (6 091 m), Tilje Peak (6 532 m), Gyaji Kang , Pokharan Himal, Himlung (7 126 m), Kang Guru (6 941 m), Pokarkang (6 265 m), etc. Et la présence de nombreux chortens bordant le chemin indique que nous sommes bien en pays tibétain.
Phu, où nous resterons pour une journée de visite et de repos, carrefour pour le commerce transhimalayen, est perché sur un promontoire rocheux, les maisons se confondant au minéral. Nous y croisons un groupe de Français qui ont dû renoncer au portage par des mules, celles-ci n’étant pas aptes à traverser des pentes verglacées (nous apprendrons plus tard que les mules se sont massivement échappées). Nous visitons le monastère qui domine le village, il est l’un des plus anciens monastères de l’Himalaya népalais.
Les quelques heures de repos nous ont fait le plus grand bien pour se farcir le chemin inverse, le lendemain, et, au confluent des vallées de Phu Khola et de Nar Khola (3 490 m), reprendre un itinéraire ascensionnel pour atteindre le village de Nar (4 110 m). Étant peu nombreux à sillonner cette région inexplorée, nous avons apprécié d’être invités à nous joindre régulièrement à nos hôtes d’un soir, assis près du feu de bois traditionnel qui sert à la fois à se réchauffer et surtout à cuisiner, tout en écoutant sans les comprendre les conversations animées.
Une fois de plus, une longue journée, commencée à la frontale, nous attend. En guise d’apéritif, nous nous lançons le défi d’atteindre le col de Kang La (5 320 m) après une ascension, les pieds dans la neige, rythmée par les « bisturi, bisturi » (« doucement, doucement ») de nos accompagnateurs. Du haut du col, la vue panoramique est exceptionnelle avec, au plus près, les sommets du Manaslu, la chaîne des Annapurnas (+ 7 000 et 8 000 m), les Chulu est (6 584 m) et ouest (6 419 m), le Pisang Peak (6 091 m), etc. Après avoir basculé côté sud, le dessert consiste en une longue descente vers Ngawal (3 660 m) où nous retrouvons la végétation et les trekkeurs de l’Annapurna.
Durant les quatre derniers jours, nous croiserons ceux-ci, toujours aussi nombreux, pour redescendre dans la plaine via Chame, Dharapani, Jagat et Bhulbhule (840 m), non sans nous priver jusqu’au bout de derniers coups d’œil vers les hauts sommets. Le trek des Annapurnas étant le seul qui peut être effectué sans guide, nous voyons ici et là nos chères balises « blanc et rouge ».
Après avoir fêté la belle réussite de notre projet lors d’un dernier repas pris avec Krishna et Maïla, nos compagnons de bonne fortune, devenus de véritables amis, il nous restait à rentrer à Kathmandu et à profiter de deux journées axées sur les visites culturelles de la capitale et des cités voisines avant d’embarquer dans l’avion qui nous ramènerait en Belgique.
Au-delà du bonheur d’avoir parcouru un pays d’une beauté époustouflante, cette aventure laissera des traces indélébiles sur le plan humain, tant la rencontre avec Krishna et Maïla d’une part, avec les autochtones côtoyés au jour le jour d’autre part, fut d’une grande richesse !
Jacques Mahieu
* références :
info@basecamptrek.com – http://www.basecamptrek.com/
Base Camp Trekking and Expedition, P.O Box 3491 , Katmandou, Népal – Tel: (977-1) 441 55 73 & 441 15 04 – Fax: 441 23 37
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2. Trois semaines au Népal.
Point de départ, une opportunité extraordinaire…
André et Pierre veulent organiser un voyage au Népal avec comme guide, Chandra, devenu un ami d’André au fil des dix dernières années, et que je connais bien.
Le projet me sourit et je fonce…
Départ le 17 décembre, retour le 6 janvier, pour un trek à deux dimensions :
une première partie consacrée à la mythique vallée de l’Everest, dans le Khumbu; marche d’acclimatation et ascension progressive des dénivelés pour atteindre le sommet du Kala Patthar (5550m) situé juste en face et à la même altitude que le camp de base de l’Everest.
une seconde partie nous emmènera un peu plus au Sud dans la région du Solukhumbu, moins touristique et moins élevée en altitude.
Dès l’arrivée à Kathmandu (1400m), le ton est donné, le dépaysement est complet : petit aéroport en briques rouges au charme désuet, portillon de contrôle qui sonne pour 90% des passagers sans émouvoir personne, bureaux en bois, murs couverts de miroirs encadrés de boiseries…
Le trajet jusqu’à l’hôtel me fait découvrir un monde inconnu : vieilles Suzuki qui crachent de la fumée, conduite à gauche, concert de klaxons, motos et vélos qui louvoient entre les voitures, débordant régulièrement à contresens de la circulation, piétons masqués pris en sandwichs dans cet imbroglio, pollution…
Pour couronner cette immersion, notre première nuit sera perturbée par un léger tremblement de terre que nous avons clairement perçu. Chandra nous dira que cela arrive une à deux fois par an.
Le lendemain de mon arrivée, lever à 4h30 pour prendre un petit avion qui doit nous amener à l’aéroport de Lukla (2840m) d’où nous entamerons la première partie du trek.
Le soleil est au rendez-vous, et ce temps radieux nous accompagnera pratiquement tout au long du séjour.
Depuis Lukla, progression en dents de scie, kyrielle d’escaliers, premières rencontres avec les ponts suspendus décorés de drapeaux de prière, troupeux de Dzo (dzoppio) : mâle hybride d'un yack et d'une vache ou d'une nak et d'un taureau, porteurs chargés de façon presqu’inhumaine… et arrivée à Jorsale (2740m).
Le lodge où nous passons la nuit est une petite maison en bois toute peinte en rose, beaucoup moins sommaire que ce à quoi je m’attendais. Des poules viennent nous y saluer…
En altitude, nous débutons chacun de nos repas du soir par une soupe à l’ail pour prévenir le mal des montagnes. Et pour le reste, le riz sous toutes ses formes, les chapatis ou le pain tibétain, le dal, les œufs, les « momos »…, accompagnés de thé noir, seront la base de tous nos repas.
Le 20 décembre, départ vers Namche Bazar (3500m) point de départ obligé de toutes les expéditions vers l’Everest et montagnes avoisinantes.
André ne se sent pas bien du tout, il est malade et décide de ne pas continuer. Il n’a pas envie de se traîner pendant tout le trek. Dommage !
Nous nous retrouvons donc à quatre, Pierre, Chandra, Kancha notre porteur et moi-même.
Nous arrivons tôt à Namche. Chandra souhaite que l’après-midi soit consacrée au repos, acclimatation oblige…
Le 21, marche d’acclimatation autour de Namche jusqu’à 3860 mètres où l’on atteint un hôtel de luxe construit par des Japonais, piste pour hélicoptères attenante, terrasse avec vue imprenable sur l’Everest… Choquant pour moi dans ce contexte.
Retour vers Namche où nous passons une seconde nuit.
Je ne ressens aucun problème lié à l’altitude, mais en début de parcours, mon cœur bat la chamade. L’adoption d’un rythme très lent et régulier calme ce symptôme.
Le 22, notre marche nous fait monter puis descendre, remonter et redescendre, pour nous amener à Kengboche (3880m). Visite du monastère bouddhiste voisin.
Ces monastères sont impressionnants de beauté à l’intérieur, richement décorés, colorés à souhait, vivants… Ils sont nombreux au Népal et avec les murs de prières, les drapeaux de prières, les moulins de prières, les chortens, les « stupas »… ils témoignent d’une spiritualité très présente et active.
Le 23, arrivée à Dingboche (4350m) où nous dormirons dans un lodge d’un cousin de Chandra.
La bouse de Yak sert de combustible pour le feu.
Rangée et séchée pendant 3 à 4 ans, elle est très efficace.
Mercredi 24 décembre, journée superbe !
Pas un seul nuage. La lumière est pure et les montagnes sublimes. C’est la première fois que je vois l’Everest sans même un petit nuage qui lui reste accroché.
Quel bonheur de pouvoir passer Noël dans une telle beauté et dans un certain dénuement !
Montée continue dans une large vallée, gigantesque comme tout ici, et nous parvenons au lodge de Lobuche (4900m), plus élevé que le Mont Blanc.
Je ne ressens pas de symptôme du mal d’altitude, si ce n’est un essoufflement inhabituel et de l’insomnie depuis hier. Pierre, lui, a « la tête qui cogne » quand il monte, mais ça passe avec du Paracétamol.
Le 25, mon Noël est blanc, ensoleillé à souhait et bien rempli…
Lever 5h30 pour se rendre à Gorak Shep (5150m) où il est prévu de prendre le petit-déjeuner avant de s’attaquer au Kala Patthar, sommet rocailleux à 5550 mètres, où on a une vue sur tous les massifs aux alentours, dont l’Everest et l’Amadablam.
A mi-chemin, Pierre ne se sent pas « dans son assiette ». Nous n’avons rien à boire : l’eau des gourdes est gelée. Au 2/3 du trajet, en se baissant, il a un étourdissement. Il décide quand même d’aller jusqu’à Gorak Shep et de s’y reposer pendant que Chandra et moi gravirons le Kala Patthar. Pour lui, c’est une déception, bien sûr…
L’ascension est raide et pénible et je dois chercher au fond de moi l’énergie pour y arriver. Mais au bout de l’effort, c’est tellement beau !
La descente est rapide et nous amène en fin de journée à Ferriche (4200m), une douzaine d’heures après avoir commencé la journée. Cette perte d’altitude est la meilleure guérison pour Pierre…
Le 26, descente marathon de 7h30 à 17h30 jusqu’à Bengkar (2630m), en repassant par Namche. A Manjo, Kancha s’est fait mordre assez sérieusement par un chien. Je l’ai soigné en bénissant la pharmacie que j’avais emmenée…
Le 27 est le jour où nous quittons la piste de Lukla à Chheplung pour un itinéraire moins emprunté. Changement de décor : nous ne rencontrons pratiquement plus de « trekkeurs ». D’autres paysages, d’autres rencontres nous attendent. L’univers a changé : beaucoup de verdure, des potagers recouverts de branches de sapin pour les protéger du gel, de nombreux petits hameaux où courent poules, coqs et poussins, chèvres, chiens… L’activité est intense ce samedi, pourtant jour de repos, lessives, cognées, masses heurtant les cailloux, travaux de scierie… Des enfants courent et semblent heureux. Pauvreté certes, mais pas misère. Peuple travailleur et courageux.
Maisons pour la plupart en pierres taillées à la main, mais aussi en bois avec si peu de fenêtres qu’il y fait sombre à l’intérieur.
Autres odeurs, autres parfums, autres atmosphères… qui éveillent les sens.
Dimanche 28 décembre, c’est mon anniversaire, j’ai 61 ans et je crois que je n’ai jamais fait autant de dénivelés cumulés. Aujourd’hui encore ce furent environ 2000 mètres de dénivelés en positif et en négatif. Le paysage est somptueux : des versants entiers de montagne sont couverts de terrasses verdoyantes, la végétation est luxuriante, potagers, bananiers, mandariniers, bambous et autres végétaux s’entremêlent.
En soirée, j’ai envie de « bulles » pour trinquer à mon anniversaire… Un Sprite fera l’affaire. Santé !
Le 29, De Nunthala à Taksindu, nous rencontrons sur un chemin étroit et caillouteux, des hordes de mules chargées de toutes sortes d’objets divers. Des lodges existent mais sont de moins en moins utilisés car les itinéraires de trek ont changé.
Chandra comptait dormir dans un lodge à Taktor mais il était fermé. Il nous a fallu marcher encore pour finalement être accueillis par un couple de « fermiers ». Nous avons été soulagés de trouver un gîte, car le crépuscule tombait…
Rassemblement dans la cuisine familiale autour d’un feu de bois dans une sorte de four en terre où de grands bois sont enfoncés au fur et à mesure. Pas de cheminée, la fumée s’échappe par les nombreux interstices de la cabane. Les murs et étagères en bois sont noircis de goudron et deviennent durs comme de la pierre : impossible d’y enfoncer un clou !
Nous y avons été accueillis comme des rois.
Le 30, départ à 7h30 pour franchir le col de Lamjura (3580m), dans la neige et la forêt, et arriver aux Pikey Peak 1 et 2, deux sommets de 4000 mètres d’où la vue est vaste et grandiose récompensant tous les efforts. Le panorama englobe une grande partie de la chaîne hymalayenne, nous dévoilant même les Annapurna.
Notre chemin nous amène à une maison familiale isolée. Un couple et quatre enfants nous accueillent. Le dernier né n’a qu’un mois. C’est un garçon après trois filles. La tradition népalaise veut que, quand un enfant naît, un arbre soit accroché du côté droit de la porte quand c’est un garçon et du côté gauche quand c’est une fille.
En soirée, nous sommes reçus par des grands-parents et leur petite-fille de 7 ans, adorable, qui aide à tout et se débrouille à merveille. Quelle différence d’ambiance avec la région de l’Everest !
La journée du 31 décembre doit nous conduire au village de Chandra où nous nous reposerons une journée. Marche en crête avec toujours cette vue impressionnante par son immensité, parcours dans de véritables forêts de rhododendrons qui doivent être merveilleux au printemps, traversée de très anciennes forêts aux arbres moussus. Chandra me dit qu’il y a des tigres dans cette région qui s’attaquent aux chiens en liberté ou parfois aux moutons…
Nous arrivons chez Chandra (2500m) vers 17h et sommes accueillis chaleureusement par sa femme Passy.
Leur maison est isolée au sommet du village. Elle est adorable et bien entretenue. Quelques bêtes, des cultures, des potagers… un lieu paisible.
Le jour de l’an est jour de repos : lessive, lecture, flânerie, visites des voisins… et repas plantureux : ils se fendent pour nous !
Le 2 janvier, nous quittons le village de Chandra pour nous rendre à la route (piste) qui relie Paphlu (petit aéroport) à Kathmandu. Des jeeps, des motos et des camions peuvent l’emprunter. Elle a rudement facilité la vie des habitants depuis sa création, nous dit Chandra.
Nous logeons dans un lodge en bord de route et prendrons demain une jeep qui nous ramènera à Kathmandu.
Samedi 3 janvier : trajet en jeep épique, qui prendra 10h pour faire 225km !
La première moitié du trajet est un parcours sur terre battue, agrémenté de trous et de grosses pierres. Souvent, la route est très étroite et ne permet pas de se croiser, les virages sont nombreux et les ravins vertigineux…
Les 4 et 5 janvier seront consacrés à la visite de Kathmandu et aux achats de cadeaux que nous tenons à ramener à nos proches en Belgique.
Je ne suis pas près d’oublier ce voyage fabuleux qui m’a permis de découvrir un monde qui m’était complètement inconnu, des paysages grandioses et démesurés, un peuple accueillant et courageux, une réalité diamétralement opposée à la nôtre.
Une telle expérience ne peut me laisser indifférente, elle me bouscule.
Et si un jour je devais revenir au Népal, je ne choisirais plus les voies de trek les plus célèbres, comme celles de l’Everest ou du tour des Annapurna, mythiques mais de plus en plus fréquentées, avec les dérives que cela risque d’entraîner.
D’autres régions du Népal, moins courues, plus authentiques, et tout aussi belles, auraient mes faveurs…
Brigitte Van Bunnen