Aucun produit
Les prix sont TTC
Informations
Aucun produit
Les prix sont TTC
Les « Cosyn », une tradition familiale
Thierry MARECHAL
« Qui ne connaît les Guides Cosyn, ces charmants compagnons de route, si gentiment écrits et bien documentés ? »[i]
|
Qui n’a déjà entrevu, dans les rayons de sa bibliothèque, un vieux guide Cosyn aux pages usées par une fréquente lecture ? Un petit recul dans le temps nous fait revivre cette aventure et nous permet aussi de nous interroger sur leurs auteurs, si présents au siècle passé, au travers de cette modeste contribution toujours sur le métier de nouvelles sources devant nous parvenir.
Je tiens à remercier ici particulièrement pour leur précieuse aide dans la réalisation de cet opus, Jean-Pierre Englebert et Luc Selleslagh d’une part ainsi que Serge Laurent (Ligue des Amis de la Forêt de Soignes) et Elisabeth Jowa (Ardenne et Gaume).
Le tourisme, l’histoire, le patrimoine, la nature, l’édition, l’écriture, les conférences et la marche sont inscrits dans les gênes de la famille Cosyn.
Tout commence par Arthur Cosyn(1868–1927), le père. Historien de formation, aussi cité dans certaines publications anciennes comme « archéologue », il est décrit comme « un érudit modeste et tenace, doublé d’un infatigable promeneur ». Sa notoriété se transmet principalement via ses publications d’histoire locale et ses guides historiques principalement axés sur Bruxelles et ses environs. Citons plus particulièrement le « Guide historique et descriptif des environs de Bruxelles » (Bruxelles, Weissenbruch, 1925) ainsi que l’incontournable « Le Brabant inconnu » (Bruxelles, Imprimerie scientifique Charles Bulens, 1911).
Ecrivain infatigable il publie dans plusieurs revues ; les Annales de la Société royale d’archéologie de Bruxelles, le Folklore brabançon, le Bulletin des amis de la Forêt de Soignes, le Bulletin de la Société royale philarmonique de Laeken entre autres.
Autres facettes, moins connues du personnage, son rôle de mandataire communal[ii] à Laeken puis Bruxelles ville.
Sa participation au sein du Touring Club de Belgique dès 1895 est très intense. Contributeur de premier plan au bulletin officiel, il est choisi pour faire partie du Conseil général de l’Association le 3 avril 1900 puis, désigné le 4 juin 1923 pour occuper le poste de censeur. Il fait aussi fonction de délégué de l’association à la Commission pour la protection des monuments et des sites. Cette collaboration fructueuse lui permet de faire éditer ses nombreuses publications avec le patronage du TCB.
Nous le retrouvons également membre dès 1921 du Comité d’études du Vieux-Bruxelles[iii], membre fondateur de la Ligue des Amis de la Forêt de Soignes et, au niveau professionnel, directeur commercial à la Visserie Belge[iv].
Digne successeur de son père Maurice Cosyn (1895 - 1951), après des études d’ingénieur à l’ULB et quelques années passées au Congo belge, se lance lui aussi dans l’aventure éditoriale. Grand amoureux de l’Ardenne belge, mais également luxembourgeoise et française, il publie de très nombreux guides touristiques placés entre autres sous le patronage du Touring Club de Belgique et du Commissariat Général au Tourisme[v]. L’aventure des « Guides Cosyn » (maison d’édition créée en 1920 et qui cessera ses activités en 1989) est lancée. Elle rencontre un succès immédiat national et international. La clé de ce dernier : un style clair, des informations détaillées (nature, patrimoine, culture) et pratiques, une cartographie abondante ! L’étroite collaboration avec les syndicats d’initiative locaux aide également à l’aura des publications. D’innombrables rééditions et traductions en langues étrangères seront publiées jusque tard dans le XXème siècle.
En dehors de cette activité de nature commerciale et touristique, Maurice Cosyn sera tout au long de sa vie très actif dans ce que nous appelons de nos jours la « sensibilisation à la protection de la nature ».
L’étape congolaise
Après ses études d’ingénieur civil, Maurice Cosyn s’embarque pour le Congo belge en 1923. Il y exerce, à Elisabethville, des activités au sein de l’Union Minière du Haut Katanga (1923 à 1926) puis occupe de 1926 à 1928 le poste de sous-directeur à la SOCOL (Société Coloniale et Continentale de Construction) à Matadi. A son retour, il occupe le poste de directeur des Carrières du Viroin de 1928 à 1932.
|
Sur le plan touristique, nous le retrouvons actif au sein du Touring Club de Belgique en tant qu’administrateur et chef du Département des Sentiers Touristiques, du Camping et du Canoeisme (1935-1940), Président de la Fédération Nationale du Camping de Belgique[vi], fondateur et Directeur de l’Office de tourisme de la Ville de Bruxelles (de 1946 à son décès dans le Tyrol autrichien en 1951), membre de l’Office Belgo-Luxembourgeois de Tourisme[vii], Président des Jeunesses Touristiques de Belgique (1946), chargé en 1946 par le Ministre des Communications de l’époque d’organiser le tourisme à Eupen – Malmédy en coopération avec le CGT et la FTPL[viii], membre du Conseil Supérieur du Tourismeet au Luxembourg, chef du Service des Sentiers Touristiques du Grand-Duché du Luxembourg (1935).
Les Jeunesses Touristiques de Belgique
Maurice Cosyn suggère, dès la fin du conflit, la création d’une association qui aurait pour objectif de « consacrer ses ressources à faciliter les voyages des jeunes gens méritants et peu fortunés, de favoriser l’initiation esthétique de la jeunesse au contact de la Nature et des œuvres d’art, par des voyages[ix], excursions et conférences et enfin de la faire participer à l’œuvre de sauvegarde de la nature et de protection des souvenirs du passé ». Fort du soutien de Robert Catteau[x] et du Département de l’Instruction publique de la Ville de Bruxelles et des grands faubourgs (incluant Ixelles, Anderlecht et Schaerbeek), les Jeunesses Touristiques sont fondées le 11 juin 1946. Le succès est au rendez-vous et avant le décès de son fondateur, ce sont déjà plus près de 4.000 élèves qui bénéficient des services de l’institution. Les membres de cette association (le prix de la cotisation annuelle étant de 40 francs belges à l’époque) étaient d’office membres d’Ardenne et Gaume, une parfaite synergie.
|
Au niveau du tourisme pédestre, faut-il rappeler son rôle important dans la conception des réseaux belges et luxembourgeois de sentiers ainsi que celui de précurseur, un peu oublié, du GR 5 !?
Concepteur des « Sentiers ardennais » (1934-1935) prônant la création ex-nihilo d’itinéraires balisés dans les Ardennes belges, françaises et grand-ducales, le projet prend une tournure officielle par son adoption en 1935 par le Service du Tourisme du Ministère des Transports. Le Touring Club de Belgique, sollicité pour assumer la réalisation pratique de l’ouvrage, crée un département des « Sentiers touristiques du TCB » dont la direction lui est confiée. Dans la même lignée, le gouvernement luxembourgeois au travers de son Ministère des Travaux Publics charge Cosyn de réaliser, en 1935, le plan national des sentiers touristiques[xi] axés sur les auberges de jeunesse et toujours intégré dans le schéma des sentiers luxembourgeois en place de nos jours. Reconnaissants, nos voisins grand-ducaux baptiseront un de leurs itinéraires du nom de « Sentier Maurice Cosyn[xii] ».
En 1936, dans le cadre d’une nouvellement créée Commission belgo-néerlandaise-luxembourgeoise de Tourisme (grâce à la diplomatie et l’initiative de Cosyn) groupant entre autres les trois touring clubs nationaux (l’ANWB[xiii], le TCB[xiv] et le TCL[xv]) est décidé la création d’un sentier international[xvi] devant relier ‘s-Hertogenbosch (Bois-le-Duc) au Pays-Bas à la ville de Luxembourg tout en planifiant déjà une extension vers les Vosges (en collaboration avec le Club Vosgien).
Le premier tronçon du « Sentier international Pays-Bas – Vosges – Sac au dos de Bois-le-Duc à Luxembourg », réel préfigurateur du GR 5, est partiellement finalisé et inauguré en 1939. Des suites de la seconde guerre mondiale, l’extension du tronçon vers les Vosges déjà fixé sur cartes et accordé entre associations ne sera réalisé concrètement par le TCF[xvii] qu’après le conflit.
Les remous au sein du Touring Club de Belgique[xviii]
La mauvaise gestion, la diminution des affiliations et des problèmes financiers entraînent de graves dissentions au sein de l’institution. Ces dernières amènent le départ de plusieurs administrateurs fidèles, dévoués et compétents. Ainsi quittent en 1939 le juge Claes et, en 1940, le Président Duvivier et les administrateurs Crooy, Lambert et Cosyn.
|
En tant que grand défenseur de la nature, il sera le promoteur des parcs nationaux en Belgique et au Luxembourg (s’inspirant des expériences étrangères aux Etats-Unis par exemple), co-fondateur, administrateur et Secrétaire Général de l’association Ardenne et Gaume[xix] de 1942 à 1949, administrateur puis Secrétaire Général (1950-1951) de la Ligue des Amis de la Forêt de Soignes, Secrétaire Général du Comité d’Etudes Ardenne, membre de la Société des naturalistes luxembourgeois…
Les Cosyn et la Ligue des Amis de la Forêt de Soignes[xx]
S’il est un trait constant dans la destinée de la famille, c’est bien celle de son implication dans cette association fondée en 1909 et toute dédiée à la défense de la forêt bruxelloise. Leur implication se marque dans la vie administrative de l’association, mais également au travers de leur participation à la gestion du bulletin de la Ligue et la rédaction d’articles nombreux, le guidage des promenades tant en Soignes que dans d’autres régions du pays.
|
Paul COSYN (1924-2001), fils de Maurice Cosyn, reprend la direction de la société éditrice en 1951 et poursuit la publication et mise à jour des guides éponymes. Il sera très actif au sein de la Ligue des Amis de la Forêt de Soignes. Il y assumera le poste d’administrateur, secrétaire adjoint de 1951 à 1960 puis de Secrétaire Général de 1960 à 1995.
BIBLIOGRAPHIE ET NOTES
Bulletins communaux de la Ville de Bruxelles, Archives de la Ville de Bruxelles
Bulletins de la Ligue des amis de la forêt de Soignes
Essor (L’) du tourisme et des loisirs (19ème – 20ème siècles). In : Atlas des Paysages de Wallonie. La Vallée de la Meuse. Namur, Conférence Permanente du Développement Territorial, 2019
GR 5 Noordzee – Middelandse Zee. Geschiedenis van het langste Europese GR – pad, Luc Selleslagh,2021 http://www.trekkings.be/GR5.html
Histoire de la randonnée – Partie 3, Jean-Pierre Englebert & Thierry Maréchal - GR Sentiers, 2020, 226, 37
Les débuts du tourisme au Grand-Duché de Luxembourg. Au temps où le Luxembourg était à 6 heures 30 de Paris, Marc Jeck – In : Articulo - Journal of Urban Research. Briefing, 2008
[ http://journals.openedition.org/articulo/815 ]
Literatuur in Lakense straatnamen - Arthur Cosyn,J. Dillen – Laeken, Laca Tijdingen, Driemaandelijks tijdschrift van LACA. Geschied- en Heemkundige Kring van Laken, 1993, 5, 1
Parcs Nationaux, bulletin de l’association Ardenne et Gaume
Sentiers ardennais avec cartes, Maurice Cosyn - Bruxelles, Guides Cosyn, 1942
Consultation des catalogues et ressources en ligne des bibliothèques suivantes : Bibliothèque royale de Belgique KBR, Bibliothèque nationale du Luxembourg BNL, Bibliothèque nationale de France - BNF Gallica
[i] Extrait d’un article paru dans « La Libre Belgique », 1940
[ii]Mandataire communal libéral de 1908 à 1921 à Laeken, puis, après l’intégration de la commune à Bruxelles, actif dans le conseil communal de cette ville jusqu’en 1927. Entre 1915 et 1919 il fut également président du Comité créé à l’initiative de la Société royale d’archéologie de Bruxelles est actif entre 1903 et 1939. Il s’est donné pour mission l’inventaire (cartographie et photographie) du patrimoine architectural de la ville ainsi que sa protection.
[iii] Ce comité, créé à l’initiative de la Société royale d’archéologie de Bruxelles, eu pour objectif le recensement (cartographie, photographie) et la protection du patrimoine architectural bruxellois. Il sera actif entre 1903 et 1939. Arthur Cosyn en est membre dès 1921. Les photographies anciennes sont numérisées et accessibles sur https://photos-vb.bruxelles.be
[iv] Créée en 1853 et installée à Laeken depuis 1867, la Visserie Belge fut un des grands établissements situés au quai des Usines à Bruxelles. Fabriquant vis et rivets à l’époque où l’architecture métallique est à son apogée, elle se développe considérablement pour atteindre sa taille maximale vers 1960. Elle cesse ses activités en 1977. [Promenades bruxelloises. Patrimoine industriel à Laeken, La Fonderie – Bruxelles, Ville de Bruxelles, Cellule Patrimoine historique, 1999]
[v] Organisme créé par l’Arrêté royal du 26 janvier 1939 et ayant pour missions « article 2 1° De promouvoir et d’orienter, par tous moyens adéquats, le développement des activités touristiques ; 2° De favoriser, par tous moyens adéquats, l’utilisation saine, récréative et éducative des vacances par les bénéficiaires de congés payés légaux et par leur famille »
[vi] L’Office national des vacances ouvrières mis en place par l’Arrêté royal 7 mai 1937 (paru au Moniteur le 29 mai 1937) est placé sous l’autorité directe du Ministre des Transports. Il est créé dans la foulée de la loi du 8 juillet 1936 sur les congés annuels payés a « pour objet de promouvoir tout ce qui est de nature à procurer, aux bénéficiaires (…) des vacances saines, récréatives et éducatives ». Il a pour but dans cette optique « de créer ou d’aménager des centres de vacances, des homes de vacances, des auberges de jeunesse, des zones de camping ». Il « coordonne l’action des services compétents ou offices des départements intéressés : transports, instruction publique, santé publique, travail et prévoyance sociale. Il suscite ou encourage les initiatives, coordonne les projets et les réalisations des organismes privés (…) s’intéressant aux vacances populaires ». L’Office est assisté dans sa tâche par « un conseil permanent et consultatif dénommé ‘Commission des vacances ouvrières’ ». La Fédération Nationale du Camping de Belgique s’inscrit totalement dans le cadre de cet Arrêté royal.
[vii] Placé sous le Haut Patronage du Roi des Belges et de la Grande-Duchesse de Luxembourg, cet organisme officiel basé à Bruxelles assure la promotion touristique des deux pays. Cette dernière se fait au travers de la publication de prospectus et d’affiches, de conférences, de documentaires filmés, d’émissions radiophoniques et via la représentation au niveau international en ouvrant des succursales entre autres à Luxembourg, Paris, Londres, Cologne, Bâle, Milan... Il incite à la création et au développement des syndicats d’initiative et leur groupement en fédérations régionales.
[viii] Fédération Touristique de la Province de Liège
[ix] Voyages en Belgique mais également en dehors des frontières : Autriche, France, Italie, Espagne et même au Maroc espagnol sont au programme !
[x]Robert Catteau (1880-1956) – Avocat, journaliste, administrateur de société et homme politique libéral bruxellois. Il occupa successivement à Bruxelles les fonctions politiques de conseiller communal à partir de 1921, d’échevin de l’Assistance publique (1933-1937) et d’échevin de l’Instruction publique et des Beaux-arts (1937-1953). Elu Sénateur libéral de l’arrondissement de Bruxelles (1932-1954), il siègera également au conseil d’administration de l’Université libre de Bruxelles. Dans un autre registre, il présidera aux destinées de la Ligue des amis de la forêt de Soignes entre 1951 et 1956.
[xi]Comptant une douzaine de sentiers. Pour un aperçu de la situation actuelle, voir « Le Grand-Duché des randonnées », Robert van Apeldoorn, In : GR Sentiers, 2021, 230, 31-33
[xiv]Touring Club de Belgique – TCB (1895-)
[xv]Touring Club Luxembourgeois – TCL (1896-X)
[xvi] Totalisant 513 km (241 aux Pays-Bas, 163 en Belgique et 109 au Luxembourg).
[xvii]Touring Club de France – TCF (1890-1983)
[xviii] Voir à ce sujet, l’article très intéressant paru dans La Libre Belgique datée du 16 avril 1940
[xix]Association constituée en 1941 avec pour objectif la protection (par la « création de parcs nationaux et réserves scientifiques ») de sites naturel sélectionnés en fonction de leur grand intérêt floristique, faunistique mais également géologique, archéologique, historique ou paysager.